Supervisions              

Léo Huet
Romain Causel
Aurélien Meimaris

À Parade (7, rue de la Roquette), soirée d’ouverture le 17.10 à 19h, les 18 et 19.10.2025 octobre de 11h à 15h, entrée libre et gratuite










A l’ère du web 3.0, des intelligences artificielles génératives et des algorithmes d’analyse des big data, nos espaces numériques deviennent de plus en plus flous et fragmentés. 



Toutes ces technologies en « boîte noire » nous éloignent de leur usage émancipateur, et la production instantanée et multiple de nouvelles représentations altèrent constamment nos modalités d’accès au réel. De plus, les médias et réseaux sociaux continuent de s’inscrire dans une dimension spectaculaire, un artifice déjà sublimé par notre société depuis des dizaines d’années, et mis en exergue par Guy Debord dans La Société du Spectacle en 1967. 
Si nous fétichisions les marchandises alors, le fétichisme se situe aujourd’hui ailleurs. En effet, nous nous retrouvons aujourd’hui dans une société d’exposition (Harcourt, 2020), où nous donnons nos images et où nos représentations se retrouvent biaisées par la marchandisation de nos vies en ligne. Un nouveau régime de vérité numérique s’installe, une post-vérité, où chacun·e se crée la sienne, et où la réalité devient un point de vue, une croyance.

Supervisions s’attarde à soulever le voile de nos propres partialités et des visions machiniques qui nous entourent au quotidien. Entre tirages photographiques et installations vidéo, l’exposition croise témoignages sur nos vies en ligne, remise en question du pouvoir des algorithmes et des médias, et tente de mettre en avant la fragilité de nos liens à la réalité.

Une exposition en partenariat avec HALONE et Parade.


Découvrir la soirée associée








Léo Huet




Léo Huet est un jeune artiste, diplômé du master en arts numériques de l’Université d’Aix-Marseille. Sa pratique s’est développée autour de la résistance, particulièrement de la sousveillance, terme initié par Steve Mann en 1998. Articulée autour de l’emprise des nouvelles technologies sur nos vies quotidienne, Léo Huet essaye de développer des tactiques de lutte « par le bas », dans l’objectif d’attenter aux stratégies des grandes entreprises et d’amener un public à mieux réfléchir à son usage des technologies.
Qui veut gagner des centimes ?


Quand tous nos appareils numériques fonctionnent de manière ultrarapide et optimisée, peu d’entre nous se demandent qui est aux commandes. En effet, qui intervient avant la prise de décision d’un algorithme ? Qui entraîne et chouchoute les IA ? Aux quatre coins du monde, des micro-travailleurs encadrent, mesurent, optimisent les technologies du numérique. Ces personnes, très mal rémunérées, effectuent de petites tâches à la chaîne sur des plateformes comme Amazon Mechanical Turk. Le Turc mécanique était un automate joueur d’échecs qui a fait le tour du monde au 18ème siècle. Présenté comme une machine autonome, il y avait en réalité quelqu’un qui contrôlait l’automate. Ce qui se joue avec le micro-travail est similaire, les personnes engagées dans le travail à la tâche sont cachées, invisibilisées, derrière les machines qu’elles améliorent. L’installation présentée ici rassemble des témoignages de micro-travailleurs, des entretiens avec des chercheurs, et tente de mettre en lumière ce phénomène qui, loin d’être nouveau, reste toujours problématique.
Where are the aliens?


Où sont les aliens sur le sol martien ? Alors que la surveillance intelligente se déploie dans plusieurs villes de France à l’occasion des JO, nous sommes en droit de nous demander jusqu’où va son intelligence. En surveillant Mars et ses différents cratères, ce projet vise à pousser à bout l’intelligence artificielle pour en montrer ses limites. Des milliers de photographies du sol martien prises par la @nasa ont été passées au travers d’un algorithme dont l’objectif est de trouver des visages et de reconnaître les émotions affichées par ceux-ci. Là où n’importe quel humain prendrait 2 secondes pour démontrer l’absence de visages sur Mars, l’algorithme est quant à lui convaincu qu’il en trouvera, car c’est son objectif. L’image présentée ici résulte directement du travail du programme qui entoure les visages reconnus. 

Léo Huet souhaite ainsi remettre en question le pouvoir des algorithmes et les enjeux des nouvelles vérités produites par leur regard. En effet, par la prolifération de ces algorithmes dans nos vies, nous atteignons des enjeux de post-vérité, les IA ne cherchant pas la vérité mais leur vérité, la vérité de leur programme, de leurs objectifs dessinés dans leur code. 







Romain Causel




Romain Causel est diplômé d’un master en beaux-arts à l’Académie d’art de Reykjavík. Sa pratique artistique, qui englobe la sculpture et l’image, s’adapte en fonction des projets et n’est que rarement limitée à un médium. Le terme «bricoleur» décrit parfaitement cette approche polyvalente. Il aime transgresser la norme, l’habituel, le banal ; en somme, questionner notre rapport à la normalité. Dans cet esprit, il utilise l’absurde comme un outil pour remettre en question ce que l’on considère trop souvent comme “normal”.

Content aware fill

En 2010, Adobe a lancé Content Aware Fill, un outil permettant de remplir facilement les vides d’une image, sans expertise technique. Treize ans plus tard, des fonctions d’intelligence artificielle permettent aux détenteurs de licences de générer ou modifier des images à partir de descriptions. Pendant ce temps, les réseaux sociaux explosent, transformant notre rapport à la réalité. L’œuvre s’appuie sur des témoignages, réels et fictifs, sur la relation des individus aux images et à Internet. Content Aware Fill capte le désordre d’un monde hyperconnecté, où l’illusion d’interconnectivité masque souvent un vide intérieur. L’abondance de contenus en ligne répond à une peur du silence et stimule notre besoin de distraction. L’artiste mêle visuels humains et artificiels pour interroger notre rapport à ces stimulations, entre addiction et évasion. Cette œuvre met en lumière l’absurdité de nos vies numériques : une quête de connexion perdue dans un océan de données et de désinformations. Capturer l’évolution d’Internet en une seule œuvre est impossible, mais l’artiste tente de rendre palpable la fragilité de notre lien à la réalité, fragmenté par le numérique.



Aurélien Meimaris




Le point d’ancrage du travail d’Aurélien Meimaris est une réflexion relative aux modalités de notre accès au réel. Il s'intéresse particulièrement au caractère médiatisé, distancié et partiel de ce rapport et aux biais sociaux et politiques que celui-ci induit. Nos modes de perception et nos systèmes de représentation sont, pour cet artiste, à la fois des terrains d’expérimentations et des sujets en soi. 

A la croisée du formel, du conceptuel, de la fiction et du documentaire, il pratique la photographie, la vidéo, la capture d’écran, la génération d'images assistée par I.A., la collection et le détournement d’images et de données, l’écriture …


La relation que nous entretenons avec le réel est partielle. Tributaires de nos sens et de nos modes de communication, nous errons parmi les fragments.
Cette impossibilité de l’absolu est le cœur de mes préoccupations, qu’elle soit déterminée par les limites de notre perception, la médiation de l’image, le filtre de l’écran, la tromperie du simulacre, l’aliénation de la représentation sociale, la non-exhaustivité du récit...

Derrière un voile infranchissable, perdure un hors-champ infini. Il est un endroit fertile pour l’imaginaire, car, par définition, il ne peut être qu’imaginé.

Au croisement des flux informationnels, physiques, mentaux et magiques, ces angles morts de la représentation constituent le terrain de jeu de mes recherches. L’image photo-réaliste peut être à la fois une empreinte directe, mimétique et une construction infidèle, mensongère. Le fil reste tendu, mon travail s’y engage en équilibre.





Abîmes (La disparition du réel & Au coeur de l’info)

Abîmes est un ensemble de séries issues d’une pratique autoréflexive de la photographie et de l’image numérique. J’y interroge la nature des médiums et des différents régimes de représentation que ceux-ci induisent. Cela prend la forme d’une exploration des frontières et des porosités entre différents registres et niveaux de réalités. Devant chaque image, le spectateur est amené à exercer une interprétation à plusieurs degrés, à établir des connexions hypertextuelles et à s’interroger sur la nature de ce qui lui est donné à voir.